MFC #4.1 : LES SECRETS DU SUCCES D’UN PROJET
La méthode lean pour la gestion des projets est un ingrédient du succès du projet pilote qu’on a monté avec Makers For Change. A celle-ci, bien d’autres facteurs et éléments s’ajoutent. L’approche bottom-up est un facteur important pour faire émerger l’innovation du terrain. Mais je peux également compter aujourd’hui sur le fait que l’équipe ait été internationale, agile and composée de talents très divers. La complicité entre générations est pour sûre également importante dans la recette du succès du projet pilote. Ce sont ces notions que je souhaite présenter au fil de cette série de 3 articles au sujet du projet pilote. J’espère qu’ils seront utiles pour vos projets ! 🙏
La première phase du projet, clé pour ma confiance en moi
Un projet pilote est comme un projet test qui permet d’expérimenter une nouvelle technique ou idée à une petite échelle. Ce type de projet permet notamment d’évaluer la faisabilité, la durée, de confirmer (ou non) ses hypothèses, de comprendre les coûts et bien d’autres facteurs encore. C’est à partir des résultats de son projet pilote qu’on peut améliorer et construire un projet à plus grande échelle.
Le fait que les publics soient actifs et impliqués comme acteurs et non vus comme simples apprenants / bénéficiaires.
Comme je l’avais indiqué dans l’article précédent où j’expliquais la phase d’ingénierie, le premier projet pilote a été composé de 3 phases clés. Nous avions laissé les objectifs suffisamment larges pour que les participants (les personnes issues de la migration forcée) façonnent le projet. Le fait que les publics soient actifs et impliqués comme acteurs et non vus comme simples apprenants / bénéficiaires. C’était là une clé de la vision de Makers For Change dès ses débuts ! Comme inscrit dans l’ADN de chacun des projets et donc des phases du pilote ci-dessous :
- Création d’un projet artistique et culturel via la fabrication numérique (septembre – décembre 2016)
- Réalisation et production d’une exposition photographique « Strasbourg invisible» (janvier – mai 2017)
- Construction collective de mini-projets citoyens (mai – août 2017)
Dans ce premier article de la série, je reviens sur les outils et méthodes clés utilisées dans la première phase du projet pilote.
Des méthodes, outils et approches clés à avoir dès le départ
Se mettre des balises et suivre des techniques clés peuvent constituer des éléments rassurants et facilitant la réussite du projet. Grâce à mes études et recherches, j’avais identifié quatre paramètres clés que je souhaitais avoir pour le lancement du pilote.
L’approche bottom-up pour l’innovation terrain
Car personne n'est mieux placé pour trouver une solution que celui qui en a le besoin !
L’approche ascendante (dite bottom-up en anglais) est la démarche intellectuelle de partir du bas. Partir de l’échelle la plus fine et spécifique afin de consolider ensuite de manière plus large. A l’inverse, la démarche descendante (dite top-down en anglais) est le fait de partir d’en-haut qui part de l’ensemble pour descendre jusqu’au plus petit échelon.
Par exemple, l’approche descendante est le fait que les pouvoirs politiques prennent des décisions de manière centrale. Ils les font ensuite appliquer par les individus sans leur demander leur opinion au préalable. Au contraire, l’approche ascendante voudrait que, dans ce même cas, il y ait des consultations citoyennes à l’échelle la plus locale (de quartiers par exemple) et que de celles-ci des nouvelles lois ou décisions politiques émergent. 🤔
Dans le cas de Makers For Change, les personnes issues de la migration forcée étaient au cœur de nos priorités. Nous voulions donc qu’ils soient au centre du processus. Car personne n’est mieux placé pour trouver une solution que celui ou celle qui en a (ou avait) le besoin ! 🌟
Avoir bien identifier les partenaires stratégiques
L'art de la réussite consiste à s'entourer des meilleurs !
J.F. Kennedy
Au fil de la réalisation des projets auxquels j’ai eu la chance de participer ces 6 dernières, je me suis rendu compte de l’importance capitale d’avoir des partenaires stratégiques solides et de confiance. Pour atteindre ses objectifs, le cas échéant des changements systémiques, il est nécessaire de bien s’entourer. La vie d’un projet est un peu comme la vie de tous les jours. Comme le disais J.F. Kennedy, « L’art de la réussite consiste à s’entourer des meilleurs !« .
Pour bien commencer sa recherche de partenaires, il faut bien analyser ses forces et faiblesses. Un outil qui peut-être utile pour cela est le SWOT Analysis. Une seconde étape passe par la réflexion des partenaires clés sans lesquels il est impossible de mener son projet ou action. A titre d’exemple, dans le cas du projet pilote pour moi je ne pouvais le faire sans le soutien du partenaire social qui accueille les personnes pour lesquelles je créais le projet. Après c’est surtout une question de feeling, de communication, de transparence et de manière évidente de confiance réciproque. 🌟
Objectifs et critères déterminants bien en tête
Définir des objectifs est la première étape dans la transformation de l'invisible vers le visible.
Tony Robbins
Une caractéristique déterminante pour mesurer le succès ou non d’un projet est le fait de bien déterminer et connaître les objectifs visés par son projet.
C’est déterminant pour plusieurs raisons :
- Permettre à toutes celles et ceux qui souhaitent être de la partie d’être sur la même page,
- Mettre en place les bons indicateurs selon ses objectifs pour analyser l’impact de son projet,
- Rester sur le bon chemin même quand on a la tête dans le guidon et sous stress,
- Faciliter les relations de confiance et transparence avec l’ensemble des parties prenantes de son projet,
- BONUS : obtenir plus facilement des financements 😅
Dans mes accompagnements, je propose d’ailleurs souvent de passer par la technique SMART pour déterminer et spécifier ses objectifs.
Suivre la méthode Lean
The méthode lean consiste à adopter une méthode agile et un processus d’amélioration continue dans ses projets. L’idée majeure de cette technique est de permettre au projet, processus et personnes impliquées de devenir plus efficaces au fur et à mesure de l’avancement.
Il y a en gros 4 grandes étapes pour cette méthode :
- Planifier : en déterminant les objectifs, indicateurs, le calendrier, les partenaires, les rôles et autres outils utilisés …
- Mettre en œuvre le plan stratégique déterminé
- Analyser : collecter les données et les analyser
- Améliorer : utiliser les résultats pour en faire des apprentissages utiles pour la suite via l’amélioration du projet (pour une version 2 par exemple 😉)
Le succès de cette méthode repose principalement sur la capacité de l’organisation à mesurer précisément le progrès selon les objectifs de performance et/ou d’impacts fixés. La réussite de cette approche reposent donc autant sur l’agilité de l’équipe et parties prenantes que sur la mesure de l’impact et ses résultats !
Je vais maintenant te présenter cher complice comment j’ai fait au mieux pour mettre en pratique ces techniques dans le projet pilote.
Phase 1 du projet pilote : création du volet artistique
L’idée des mix : créations artistiques et création de liens, valorisation des talents et des cultures et des histoires nous paraissait être un bon début. Le grand challenge était de passer par la réalisation de ces créations via les outils numériques des Fablabs. J’avais analysé quelques mois auparavant que la réalisation de matériels de première nécessité n’était pas abordable via ces techniques technologiques. Par contre, la création de projets artistiques oui ! J’avais à cœur de pouvoir finalement – oui je suis très têtu quand j’ai une idée en tête 😅 – identifier l’intérêt ou non de ce domaine porteur auprès des publics. C’était important car c’est un secteur en pleine croissance notamment en termes d’emploi. Or, trouver un travail stable est à la fois une priorité nationale comme une priorité pour les publics.
Comme dans chaque projet (et en l’occurrence chaque phase de ce projet), j’ai fédéré plusieurs types d’acteurs partenaires autour de la table. Dans cette toute première étape, il y avait un partenaire social (C.A.D.A. St Charles), un acteur culturel (Association Europart’Vision), une artiste (Wonderbabette), des acteurs du numérique (AV Lab le Fablab Strasbourgeois et le Shadok) et une institution qu’est la Ville de Strasbourg. Le plus difficile ensuite fut de trouver un calendrier commun pour que l’exposition soit prête lors de l’événement Str’Off III en novembre.
Préparer l’opérationnel : sélection des participants et analyse d’impact
Je dois avouer qu’en septembre 2016 (alors que je n’avais pas encore le budget pour ce projet), je ne connaissais pas clairement toutes les étapes que je vais présenter brièvement ici. 😆 Une fois l’ingénierie, le calendrier opérationnel et les partenariats consolidés sur le projet, on passe à une étape clé. Identifier les participants aux projets !
Les critères de sélection des participants
Afin de simplifier le travail du partenaire social qui en avait la mission, nous avons préparé ensemble une liste de critères de sélection. En l’occurrence, il s’agissait dans le projet de s critères suivants :
- Niveau de langue française basique minimum
- Femmes et hommes entre 18 et 60 ans
- Disponibles en journées
- Motivés par des projets artistiques ou créatifs et par l’apprentissage du français
- Si possible ayant le statut de personne réfugiée en France ou la protection subsidiaire de l’Etat
L'importance de l'implication des partenaires sociaux
Dès cette première expérience, j’ai pu constater l’importance d’avoir des partenaires sociaux impliqués ! En effet, il est nécessaire de contacter les publics souvent, de leur présenter le projet en prenant le temps, de les relancer pour les ateliers, certaines fois de les accompagner sur les nouveaux lieux du projet …
Heureusement pour nous, ce fût le cas avec le partenaire historique de l’association. Dès la première étape, il s’est impliqué et nous a permis de pouvoir construire un beau programme avec des participants très actifs et réguliers.
L'analyse d'impact
Car créer un projet c'est transmettre et apprendre en même temps !
Comme je l’ai expliqué plus haut, il est important de prendre soin de bien préparer l’analyse d’impact du projet. Les objectifs évoluant selon les phases du projet, je me suis d’abord concentré sur l’analyse de la première phase et donc sur le volet créatif et artistique. Les objectifs et donc les indicateurs allaient ensuite évoluer car quelque peu différents.
Pour cette première étape du projet, il était question pour moi de suivre les objectifs suivants :
- Amélioration du niveau linguistique en français des participants,
- Renforcer la confiance en soi des publics,
- Sentiment de valorisation de leur culture et/ou histoires,
- Intérêts pour une formation ou un emploi dans les nouvelles technologies.
Une fois les questionnaires, fiches de présence et autres documents préparés pour cette phase, j’allais entrer dans la phase concrète. La phase de lancement du programme opérationnel ! Une nouvelle phase d’apprentissage qui allait être renforcée par les participants. Car créer un projet c’est transmettre et apprendre en même temps ! 😀
Phase opérationnelle 1 : ateliers linguistiques et de productions numériques
Je me souviens encore des premières rencontres où j’expliquais cette phase de trois mois aux participants. Ils étaient une quinzaine, hommes et femmes mélangés, tous intrigués et motivés par ce type d’initiative. Apprendre le français autour de son histoire and apprendre à créer un objet artistique grâce aux nouvelles technologies des Fablabs. Un vrai challenge mais ô combien excitant ! Pour eux comme pour moi … 😅
Quand l’Art facilite les rencontres de soi et des Autres sans communication !
Dans un premier temps, on a commencé par des ateliers linguistiques autour de la création d’une histoire personnelle (ou inventée selon leurs choix). Des cours de français étaient évidemment organisés autour de ces histoires. A travers les récits qu’ils créaient, on les invitait à imaginer un objet ou une image qui pouvaient représenter ce récit ! C’est là qu’intervint une artiste professionnelle, Wonderbabette. Outre le fait d’amener les participants à dessiner leurs objets, elle leur permit de prendre conscience et confiance en leurs potentiels.
Une fois ce travail de préparation finalisé, nous avons commencé les ateliers de productions au Fablab de Strasbourg. Une nouvelle expérience pour tout le monde qui nous a grandement fait sourire et plaisir ! A posteriori de l’analyse de cette phase, j’ai d’ailleurs compris qu’un des impacts directs était aussi de permettre aux participants de s’évader intérieurement de leurs situations et de prendre plaisir.
Après plus d’une dizaine d’ateliers linguistiques, de trois ateliers au Fablab, de sessions de customisation des objets, nous étions prêts pour la dernière étape : l’événement de restitution et de valorisation.
Phase de restitution : une exposition artistique pour valoriser les créateurs-participants
Avec l’artiste et les partenaires nous avions à cœur de mettre en avant et d’impliquer les participants, désormais créateurs. En les présentant comme humains et créateurs avant tout, non comme personnes réfugiées ou en demande d’asile, nous souhaitions changer les regards. Ouvrir de nouvelles perspectives et casser les préjugés, c’était l’ambition des histoires de ces objets créés par les créateurs de différents pays dans le monde.
La thématique de l’événement Str’Off était cette année-là « Nos sens dessus-dessous ». Les acteurs créatifs et culturels ont eu une idée inspirante. Vu que les objets étaient en reliefs et faits en plusieurs matériaux, nous allions mettre les créations dans l’espace des non-voyants. En plus d’être les créateurs, les participants ont pu alors être aidants des visiteurs pour faciliter leur visite les yeux bandés ! Un argument supplémentaire pour les valoriser, changer les regards et créer des liens de confiance. 🤩
Pas moins de 1 500 visiteurs sont passés par le stand et de nombreuses visites ont été facilité par les participants, tous ravis de cette expérience valorisante ! Le moment était alors venu de faire un bilan de cette première phase pour se préparer à améliorer la suite.
L’amélioration continue possible grâce aux bilans réguliers
J'insiste à nouveau ici sur la nécessité de tester ses idées au plus vite en les réalisant auprès des publics ou personnes (physiques ou morales) concernées !
Cette étape est la clé du projet ! Non seulement elle permet de répondre à quasiment toutes les questions et hypothèses soulevées par le projet pilote, de préparer le travail de restitution pour les investisseurs et financeurs mais aussi de garder une logique d’amélioration continue. Une véritable phase de test qui – je dois l’avouer – m’a pris aux tripes et boosté ! C’est, je crois, ce qu’on appelle généralement le stress positif ! 😅
C’est en fait aussi le test de l’approche lean. Puisque cette approche repose sur la capacité de l’organisation à mesurer précisément le progrès. Sans action ni donc le terrain, impossible de véritablement suivre quelconques résultats. J’insiste à nouveau ici sur la nécessité de tester ses idées au plus vite en les réalisant auprès des publics ou personnes (physiques ou morales) concernées !
Les objectifs et approches de l'analyse pour la phase 1
Pour mon premier bilan, j’avais prévu des outils mais je n’étais pas encore aguerri pour l’exercice – et j’avais horreur de l’administratif 😅 ! J’avais préparé plusieurs approches pour la mesure et l’analyse d’impacts (toujours selon les objectifs cités plus haut).
- Niveau collective, avec tout le groupe de participants, afin de récupérer les ressentis et émotions du groupe ensemble.
- L’approche individuelle pour les publics autour d’un questionnaire de satisfaction, de confiance en soi et de niveau de langue française (autour des notions vues dans le projet).
- Analyse auprès des visiteurs de l’exposition interactive (eux aussi bénéficiaires de l’action in fine).
- Et enfin une approche partenariale également via un questionnaire.
Cette démarche auprès des partenaires est importante sur plusieurs points :
- Améliorer le projet dans sa version 2 si elle venait à être développée;
- Répondre au mieux à leurs attentes ou questionnements dans le futur;
- Resserrer les liens pour envisager nos collaborations sur le long terme.
Les conclusions de cette phase
Je retiens de nombreux apprentissages de cette première : anticiper, prendre le temps, bien informer, prévoir, garder une marge de manœuvre budgétaire …
Au titre de l'association
Les conclusions de cette première analyse ne furent pas à la hauteur de mes attentes mais encourageantes tout de même. Les publics avaient amélioré leur niveau de français and renforcé leur confiance en eux. Ils étaient globalement satisfaits du projet même si que deux personnes souhaitaient aller plus loin dans le milieu des nouvelles technologies. Les partenaires étaient satisfaits de la collaboration mais posaient à juste titre la question de la réponse aux intérêts et besoins des publics. Enfin, les publics visiteurs de l’exposition avait vraiment apprécié l’interaction mais disaient globalement ne pas avoir changé d’opinion ou de regards sur la migration forcée grâce à cette action.
A titre personnel
Pour ma part, à titre personnel, je retiens de nombreux apprentissages de cette première comme par exemple :
- Bien anticiper l’analyse d’impact tout au long du projet pour mettre toutes les chances d’améliorer de son côté
- Préparer, rédiger et consigner tous les documents administratifs au fur et à mesure que demandent les différents financeurs – attention FSE 😣
- Prendre plus de temps pour bien sélectionner and informer les publics sur le programme (quitte à faire 2 séances d’information)
- Acter suffisamment en amont les dates d’ateliers quand les partenaires techniques sont mobilisés
- Prévoir plus de bras pour le montage et surtout démontage d’un événement 💪
- Garder une marge de manœuvre budgétaire au cas où il y aurait des imprévus
Quand je pris enfin le temps fin décembre 2016 de prendre du recul, je me rendis compte qu’un an auparavant j’étais aux urgences et clairement déboussolé ! Là, au contraire, j’étais motivé, heureux d’avoir pu aider à ma manière et d’être lancé dans un projet pour encore quelques mois ! Ce fût enfin le moment pour moi de me lancer dans la phase 2 en prenant mon envol via un appartement : le premier coworking de Makers For Change ! 🙏
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Cédric Bis
I have been a social entrepreneur for over five years creating and developing an NGO, Makers For Change, a dream experience for which I have been awarded several times. Today, I work as a partner in crime and mentor of entrepreneur’s projects, helping leaders of ideas or projects, freelancers to build their project by taking into account their personalities, experiences and values.