J’ai souvent entendu ces cinq dernières années dans mon expérience d’entrepreneur : « ah, une association, mais tu es bénévole alors ? » ; « tu vis aux frais de la princesse ? » ; « oula un projet associatif ?! bon courage, c’est bien ce que tu fais ! » … Dans cette série d’articles je reviens sur mon aventure en soulignant mes apprentissages, challenges et doutes. En tous cas un projet associatif qui m’a fait grandir, me découvrir et me développer.
Découvrir sa fibre entrepreneuriale sur le chemin
Une idée bouleversante qui me saisit au corps !
Je me suis réveillé un beau matin et, sans savoir pourquoi, cette journée a juste changé ma vie pour le restant de mes jours ! Fin avril 2015, je suis allé – tout excité – visiter un nouveau lieu d’innovation et de créativité à Strasbourg. Le Shadok, un lieu qui a pour promesse de rendre vivantes des idées, des projets autour des technologies ! J’étais loin de m’imaginer que cette expérience d’entrepreneur aurait un jour un nom : Makers For Change !
J’ai une boule au ventre ! Comme une boule d'excitation qui me prend aux tripes ! Je dois me lancer !
Je me souviens encore de cette période où je doutais sur mon futur ! J’étais en Master 2 Sciences Politiques à Distance et ne savais pas vraiment vers où me diriger ensuite … Quelle surprise quand j’ai ouvert les yeux ce jour là ! Les valeurs et l’énergie du lieu m’inspiraient : open-source, liberté, créativité, culture d’ouverture et le partage ! Je me souviens rentrer à la maison et dire à mon frère : « J’ai une boule au ventre ! Comme une boule d’excitation qui me prend aux tripes ! Je dois me lancer et découvrir ce nouveau monde des technologies et créer un projet pour des personnes en difficultés ! ».
Le sujet de la migration, au-delà d’être en 2015 un des sujets les plus sensibles de l’actualité, est ancré dans mes gènes. Je ne serais pas à Strasbourg si l’ensemble de mes ancêtres n’avaient pas migré pendant des siècles ! Je reviens d’ailleurs sur mes origines dans l’article intitulé L’art de la banane. En tous cas, j’étais loin de m’imaginer que l’aventure allait démarrer directement et me lancer pour cinq années d’entrepreneuriat social !
Déceler une opportunité et la saisir !
Mes premiers réflèxes – comme bon étudiant que j’étais 😝 – ont été de chercher en ligne ce qu’était cet univers technologique et le monde de l’entrepreneuriat ! Par chance – ou synchronicités 🙏 – j’ai trouvé qu’allait se tenir quelques jours après le Festival International des FabLabs (= Laboratoires de Fabrication Numérique) à Toulouse. Doté d’un certain culot – je dois l’avouer 😊 – j’ai envoyé un mail aux organisateurs pour participer aux journées des professionnels. Le but était de « présenter un projet de création d’ONG qui permettrait de fabriquer des objets répondant aux besoins matériels des personnes dans le besoin et plus particulièrement des personnes en situation de migration forcée ». Mes recherches m’avaient permis de trouver quelques projets dits humanitaires de Fablabs. Ils avaient permis de fabriquer des maisons en des temps records en cas de crises ou de produire des chaises roulantes en DIY (= en le faisant par toi-même).
Un tournant immédiat !
J’ai été sur les fesses quand, moins de 24 heures plus tard, on m’a appelé au téléphone pour en discuter avec moi ! L’organisateur du Festival me dit que ma « candidature a créé tant le débat qu’il est certain que tu dois venir présenter ton idée ! ». A peine dix jours après mon explosion de motivation que je décollais déjà pour Toulouse ! J’allais devoir faire le premier pitch d’un projet d’ONG, alors qu’une idée, devant les professionnels et experts d’un domaine que je ne connaissais pas … « Euhhh un pitch ?!? » – ça a été ma réaction intérieure la première fois que j’ai entendu le mot ! 😅
Vous avez dit un pitch ?!? Le franglais et l'univers startup !
Je te promets, quand on m’a invité à pitcher le projet à Toulouse, le premier truc qui m’est venu en tête – et un peu au ventre aussi du coup 😅 – c’est l’image de ‘Pitch la Brioche de Poche’ ! Quand tu es une personne normale, au téléphone avec potentiellement quelqu’un qui peut devenir un partenaire, tu te retiens de faire la blague … C’est ce que j’ai fait en me jettant sur internet pour voir de quoi il me parlait. En fait, c’était une présentation courte et dynamique d’un projet devant plusieurs personnes potentiellement intéressées ! ^^ Moins savoureux que la petite brioche mais bon j’ai bien aimé le mot et me suis lancé dans le challenge !
La place importante de l’anglais dans l’entrepreneuriat
C’est vrai que les anglicismes et le franglais sont très présents pour les entrepreneurs ! On entre dans le monde des startups, du social business et de ses nouvelles technologies … Je sais pas si c’est la chance d’avoir grandi au coeur de l’Europe, de pouvoir voyager ou d’avoir rencontré très jeune des gens de plein d’horizons, mais ça m’a pas dérangé de m’adapter à ce langage particulier ! Déjà au collège j’aimais bien prendre la parole en public et débattre. On me promettait à une carrière d’entrepreneur. C’est sûrement pour ça que j’ai pris ce défi comme l’occasion de sortir de ma zone de confort ! Et donc, forcément, d’en retirer des apprentissages positifs ! 💪
Je gardais en tête de rester naturel et de parler avec le coeur du projet !
Par contre, l’idée de faire cet exercice à l’américaine, d’être un entrepreneur incarnant le changement, de se « marketer » – du moins c’est ce que me disais mes recheches 😅 – c’était une grande première ! Une présentation plus classique me serait bien allé aussi … Mais bon j’allais devoir convaincre en 5 minutes ! Du coup, après quelques conseils pris auprès d’ami.es entrepreneur.es, j’ai créé un support visuel en restant simple pour pas perdre le fil de ma pensée ! Je gardais en tête de rester naturel et de parler avec le coeur du projet ! Peu importe si c’était pas ce qui était attendu d’un pitch classique, mais, après tout, je veux pas être le prochain Mark Zuckerberg ! 😂
L’état d’esprit startup
Pendant tout ce temps, mon corps continuait de m’envoyer des signaux forts de motivation et détermination ! Je stressais à l’idée de ne pas maîtriser le sujet devant autant d’experts ! Des proches entrepreneurs autour de moi m’ont invité à suivre le dicton des businessmen (toujours à l’américaine) « Fake it until you make it! » (= Fais semblant jusqu’à ce que tu le réalises !) ! C’est vrai que quand on décide de se lancer dans l’entrepreneuriat (social ou non) on se retrouve un peu projeté dans le monde des startups de la Silicon Valley. Mon état d’esprit à la fois orienté social et business m’a permis de m’adapter assez rapidement et de rester fidèle aux valeurs que je souhaitais porter !
De retour à Strasbourg après ce premier pitch j’étais plein d’énergie positive ! J’avais validé l’intérêt et la faisabilité de l’idée par des professionnels, j’avais récupéré de nombreux formulaires de contact et j’avais réussi à convaincre quelques entrepreneurs experts de se joindre à distance sur le projet ! Première étape de validation de l’idée ✅ Mais j’étais très loin de m’imaginer tout le chemin qu’il me restait à parcourir ! 😅
Un nouvel entrepreneur : de la validation de l'idée à la structuration du projet !
Adrénaline et énergie : un mélange détonnant pour créer une structure !
Embarqué par mon énergie et ma surmotivation, boosté par ces premiers retours positifs, je me suis lancé dans la recherche d’amis et proches pouvant être motivés par l’aventure de créer une ONG ensemble. Je voyais déjà le tableau ! Plein d’amis qui se retrouvent autour d’un projet qui apporte en sens et en apprentissages pour tout le monde (la réalité est malheureusement plus compliquée 😥) ! Pour bien démarrer, je suis allé fouiller dans mes cours de Droit puis Sciences politiques pour savoir comment m’y prendre (en théorie) ! Je suis allé à la rencontre de la Maison des associations la plus proche de chez moi pour quelques conseils et c’était parti après quelques semaines ! Une démarche collective pour créer une structure légale. 😆
Simplicité et ambition
Une règle d'OR s'applique pour tout entrepreneur : « KEEP IT SIMPLE » !
Dès le départ je me suis laissé emporter par mon ambition ! Je suis allé très loin ! Preuve en est les 70 pages de statuts juridiques qui prévoyait de créer des antennes locales un peu partout et les futures relations avec la Fédération internationale ! Quand on parle de « DreamBig » (en français, rêver grand) je crois qu’on fait pas mieux 😂 Je me souviens encore du regard perplexe de la greffière au Tribunal d’Instance de Strasbourg pour notre enregistrement légal lorsqu’elle vit la taille des statuts juridiques. Elle « n’avait jamais vu ça en 20 ans de carrière ..! ». J’aurais du savoir plus tôt que pour tout entrepreneur une règle d’OR s’applique : « KEEP IT SIMPLE » (= Rester simple !). Rendue célèbre par Guy Kawazaki que je recommande pour celles et ceux qui se lancent ! La pratique par la suite me l’a encore plus démontré !
A prendre en compte pour les statuts juridiques
Ce que j’ai adoré dans la rédaction des statuts juridiques, c’est que je devais me projeter, répondre aux questions importantes du projet et à son développement ! Par exemple, j’ai dû réfléchir à la mission sociale de l’organisation, sa vision, ses activités, ses ressources financières ou encore sa gouvernance. Comme dit le dicton « C’est en faisant qu’on apprend ! ». Un exercice qui me laisse encore aujourd’hui un grand sourire sur mon visage ! 😃 La précipitation et mon impatience m’ont appris beaucoup par la suite …
Le nom du futur bébé
La grande question apparaissait progressivement : quel nom portera ce futur nouveau-né ? L’inspiration venue dans une sieste : ce bébé s’appellerait Makers For Change (= Acteurs pour le changement). On m’a souvent demandé pourquoi ce nom anglais ? L’Alsace, ma belle région est fière de sa culture et de ses racines. C’était pas simple pour moi de convaincre mes interlocuteurs … Je me suis en fait inspiré d’une très belle initiative musicale que j’adore et admire : Playing For Change ; et du monde des Makers, ceux qui font.
Les valeurs de l’organisation
Il s’agissait donc d’un croisement de valeurs entre ceux qui agissent de manière créative, ouverte et transparente pour l’Autre et le fait de créer des liens entre des personnes de divers horizons à travers des passions communes et talents complémentaires. Pour l’anglais, je n’ai jamais trouvé mieux à répondre que je souhaitais que le projet s’adresse à un maximum de personnes et surtout aux personnes étrangères qui viennent d’arriver.
Pour faciliter la compréhension de tous les Fondateurs
Il fallait maintenant que je convainque des Co-Fondateurs (à minima 7 cofondateurs pour créer une association en Alsace, soumis au droit local). Je voulais vraiment réunir des personnes aux compétences et personnalités complémentaires ! Des personnes qui aiment l’innovation, le monde du social ou de l’entrepreneuriat. J’ai aussi demandé autour de moi pour qu’on me recommande à des personnes pouvant apporter de l’expérience et de la crédibilité à cette jeune équipe.
Dernière étape obligatoire : l’organisation de l’Assemblée générale constitutive, moment fondateur de la création de la structure. On était pas moins d’une quinzaine de membres Co-Fondateurs aux profils très diversifiés ! Deux mois plus tard, le 05 août 2015, Makers For Change était officiellement enregistrée et pouvait démarrer légalement ! 🥰
Mettre les chances de mon côté en suivant mes passions !
Pour résumer, à la rentrée de septembre 2015, nous en étions là :
Le grand moment test arrivait à grands pas ! La phase par laquelle tout entrepreneur passe : la réalisation de son idée dans le concret ! En l’occurrence pour nous, le moment de produire des objets utiles pour le quotidien de personnes qui en ont le besoin ! Malheureusement, j’étais loin de m’imaginer toutes les contraintes techniques que cela représentait ! 😓
Se rendre compte trop tard de l'évidence
J'avais passé trop de temps à intellectualiser et philosopher sur le projet plutôt que d'agir directement sur le terrain !
Certainement trop tard, je me suis rendu compte en échangeant avec des associations qui travaillent avec des personnes en grande précarité que les besoins matériels, bien que nombreux (hébergement, literies, matériel de première nécessité ou encore des produits hygiéniques), n’étaient à Strasbourg, presque jamais réalisables de manière numérique ou trop coûteux à la fois en énergie, ressources matérielles et économiques. Progressivement je prenais conscience de l’écart énorme entre le monde de l’innovation cérébrale et le monde physique matériel !
Trop tard, je me rendais à l’évidence : j’avais passé trop de temps à intellectualiser et philosopher sur le projet plutôt que d’agir directement sur le terrain auprès des personnes qui en ont besoin ! Je repensais alors à un adage bien connu des entrepreneurs : « Dès que tu le peux, confrontes ton ‘service’ à la réalité des personnes qui en bénéficieront ! ». 😤
Mon désintérêt pour l’univers des technologies
Aussi, plus le temps passait dans les recherches liées aux nouvelles technologies plus je réalisais à quel point cet univers était désintéressant pour moi et me saoûlait au plus haut point. Ce que j’aimais c’était le contact direct avec les gens. C’est d’ailleurs en échangeant avec un ami que j’en ai pris conscience quand il m’a dit : « Si tu n’es pas passionné par ce monde technologique, ne continue pas ! Pivote le projet ou change de voie car tu ne t’éclates pas là ..! Il faut être aligné avec ce que l’on aime, ce que tes tripes te disent ! ». Nous souhaitions quand même tous avec les membres réaliser une action qui, a minima, ferait sens !
Un Noël mémorable … 😅
Noël 2015 était là ! Avec l’ensemble des membres, on a créé une action dans le FabLab de Strasbourg. On avait associé la création de liens entre personnes de divers horizons via les technologies et la valorisation des cultures du monde en produisant un objet de manière numérique. Bien loin de notre ambition initiale de venir en aide matérielle aux personnes en difficultés donc … La motivation n’était plus au rendez-vous et ma vision plus une réalité … Je sentais que le vent avait tourné !
Désemparé, je ne voyais plus le bout du tunnel et commençais à douter grandement de mes capacités ..! Pour couronner le tout en cette fin de premier chapitre de l’histoire de Makers For Change, le 25 décembre 2015 plus exactement, je finis avec une crise de colique néphrétique qui me cloua au sol et aux urgences ! Je me souviens encore que le Doc me dit : « La colique néphrétique c’est comme la douleur ressentie par une maman qui accouche ! ». 🤔
Ironie du sort, cela faisait 9 mois que je travaillais à temps plein sur le projet mais le bébé ici ressemblait plutôt à un bébé mort-né … 😥
Entre se lancer dans une aventure entrepreneuriale en théorie et la pratique il y a un monde. Pourtant, malgré les problèmes de santé, la persévérance et la motivation peuvent permettre de tout reprendre de zéro !
Si toi aussi cher complice tu as vécu une expérience similaire ou souhaites nous partager ton avis, n’hésite pas à le faire ci-dessous !
A très bientôt pour de nouvelles aventures et récits 🙏
Pour aller plus loin :
- Quelques initiatives de Fablabs solidaires en Afrique : https://actif.auf.org/actions/les-fablabs-a-impact-en-afrique-centrale-et-grands-lacs/